Ayant servi pour la première fois à Lourdes en août dernier avec les Foulards Blancs (FB), il m’a été demandé d’écrire sur cette expérience nouvelle. Je le fais volontiers, en espérant que, si Dieu veut, ces quelques lignes pourront donner à d’autres l’envie de rejoindre l’aventure (ou du moins, qu’elles ne les en dissuaderont pas !). Je retiendrai ici deux aspects qui, à mon avis, rendent l’expérience FB originale par rapport à celles que l’on peut vivre habituellement dans le scoutisme.
Le premier peut paraître tout bête mais il est, je pense, déterminant : l’amitié scoute inter-mouvements. Aspect déterminant en effet : comment porter la paix et l’amitié aux personnes que nous accompagnerons si nous ne recevons pas d’abord cette paix, cette amitié, ni ne les vivons entre nous ? « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous vous reconnaîtront pour mes disciples. »
Les rencontres inter-mouvements sont rares. L’amitié entre les scouts et guides qui en sont issus pourrait paraître abstraite, voire illusoire. (Bon, déjà commençons par la vivre dans nos unités scoutes respectives, ce sera un bon début !) Chez les FB, on arrive dans une équipe – une permanence – composée de guides et scouts venus de différentes associations de scoutisme. De toute la semaine, jamais je n’ai entendu un seul commentaire moqueur ni ironique sur les variétés de pratiques entre nos mouvements. Certes, nous étions issus de branches différentes, mais nous étions surtout réunis par un esprit scout commun, celui-là même qui avait conduit chacun de nous à venir servir à Lourdes. Un moment l’a bien illustré à mes yeux : la cérémonie au cours de laquelle certains d’entre nous s’engagèrent dans la communauté des FB ; moment fort, dont je me souviens avec émotion. C’était lors de la prière du soir, en face de la grotte, de l’autre côté du gave. A cette occasion, plusieurs membres de notre groupe, issus de différents mouvements, déclarèrent publiquement les raisons de leur engagement. La diversité des mots traduisait une même idée, j’ose dire : un même idéal, un idéal de vie. Et cet idéal n’était pas une abstraction romantique mais une exigence à incarner toujours davantage : servir (« s’il plaît à Dieu toujours »), ici à Lourdes comme dans toute notre vie. Et Dieu sait combien nous avons besoin d’être soutenus pour cela. Cet idéal que je portais en moi, j’en ai vu une réalisation à Lourdes, avec les FB. C’est avec l’aide de cette communauté scoute que bien des personnes ont incarné leur promesse scoute, et que bien d’autres le feront à l’avenir si Dieu veut – peut-être toi, qui réfléchis à venir au service l’été prochain ?
Et voici le second aspect : le service avec les FB est une école de disponibilité particulièrement bonne.
On pourrait dire que le scoutisme en soi est école de disponibilité, et c’est sans doute vrai. Mais je pense à la manière dont, parfois, on considère les « temps de service » dans nos groupes scouts.
Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais pour ma part, je pourrais caractériser avec précision ces « temps de service », que j’ai vécus en tant que scout, en donnant pour chacun :
– la chose à faire, clairement établie (par exemple : déplacer un tas de bois, ça c’était notre spécialité !) ;
– la personne ou le groupement de personnes bénéficiaire, également défini (le propriétaire, le monastère…) ;
– sa durée limité (deux heures, ou deux jours…)
Or à Lourdes, la chose à faire n’est pas toujours précisément définie : être avec une personne, passer du temps avec elle, lui être disponible (pourquoi quoi faire ? pour rien à faire peut-être…) Quant aux personnes, quiconque est déjà venu à Lourdes sait qu’elle ne forment pas un « groupement défini » mais une foule, un peuple aux origines et motivations diverses. Et ces personnes sont nombreuses (même en année de coronavirus) ! Bien sûr, il y a, au premier chef, les pèlerins du diocèse que nous accompagnons, voire tel pèlerin du groupe qui m’a été plus particulièrement confié à un moment donné ; mais il y a aussi tel hospitalier avec qui tu peux échanger une parole amicale ; les pèlerins des autres diocèses à qui tu peux offrir un sourire en passant (en extérieur, sinon le masque complique la chose !) ; il y a la foule des pèlerins individuels auprès de qui tu es comme ambassadeur de l’esprit scout ; il y a tes frères et sœurs scouts de la permanence… Je pense que tout cela aide à dépasser le cadre contractuel dans lequel nous avons parfois tendance à enfermer l’esprit de service (« je t’aide jusqu’à tel point prédéterminé selon de mes intérêts, et pour la suite, trouve quelqu’un d’autre… ») Dans l’Évangile, notre Seigneur déclare : « si votre justice ne dépasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux. » Et les scouts de certains mouvements chantent dans leur prière : « Seigneur Jésus apprenez-nous… à donner sans compter… » Sans compter au-delà des limites de nos intérêts égoïstes, mais pas davantage en-deçà de notre désir d’être utile : se rendre disponible peut vouloir dire, dans certains cas, accepter d’être inutile ou d’avoir l’impression de l’être. (Cet été 2021 nous a aidé à mieux le comprendre puisque, à cause des restrictions sanitaires, nous n’avons pas pu accomplir une partie du service habituel). Bref, le service avec les FB peut être une bonne école de vie, une école de la disponibilité généreuse à la suite de Notre-Dame de Lourdes : « voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole. » S’il plaît à Dieu, toujours !
Jean M.